L’histoire de la vache est celle d’une domestication, mais aussi d’une transformation des espèces bovines comme humaines au contact l’une de l’autre. Ni l’une ni l’autre ne sont « naturelles.» Et à chaque époque sa vision du monde, de la nature et donc de la vache « idéale », de ce qu’elle devrait être et de ce qu’elle devrait, littéralement, « incarner »…
Un des exemples les plus éloquents à cet égard est celui des frères Lutz et Heinz Heck dans l’Allemagne nazie. Dans les années 1930, ces deux biologistes ont poursuivi un rêve fou : celui de retrouver l’archétype de la vache originelle, l’auroch, Bos primigenius de son nom latin. Seul problème, cette espèce avait disparu, supplantée par sa lointaine cousine, transformée par des siècles de domestication en une nouvelle espèce, Bos Taurus, l’ancêtre de tout bovin domestiqué. Il s’est donc agi, pour les frères Heck, de « réensauvager » les bovidés avilis par leur contact avec la civilisation humaine, afin de retrouver la puissance et la vigueur de l’ancestralité primordiale…
À quoi ressemblera la vache du futur ? La seule certitude à ce stade, c’est que pour se plier à tous ces attendus, parfois contradictoires, elle devrait avant tout présenter des qualités de contorsionniste. Autant les frères Heck étaient à la recherche d’un modèle immuable et éternel, autant la vache de demain devrait se montrer flexible, et adaptable.