Les matières premières sans OGM (soja, colza, tournesol) sont de plus en plus chères mais aussi de plus en plus rares pour la nutrition des animaux. Certains opérateurs pensent à passer plutôt aux garanties sans déforestation…
Le premier bateau de soja OGM a accosté en novembre 1996 dans l’Union européenne. C’était aussi l’année du premier choc de l’ESB (vache folle). Depuis, ces cultures se sont généralisées, comme au Brésil, qui fut longtemps exempt d’OGM. Moins de 2 % des surfaces cultivées en soja y sont aujourd’hui non-OGM. Car le fermier brésilien regarde sa productivité : elle serait de 25 % inférieure à celle des cultures OGM. L’Inde, autre fournisseur possible, a souffert de mauvaises récoltes…
La guerre en Ukraine rajoute des tensions sur les approvisionnements : le soja non-OGM d’Europe de l’Est n’arrive plus. Et l’un de ses principaux substituts, le tourteau de tournesol HiPro (riche en protéines) ukrainien, reste aussi bloqué en mer Noire. « Pour l’instant, nous sommes parvenus à obtenir du soja non OGM au Nigeria pour compenser le manque de disponibilité du soja russe, mais nous naviguons vraiment à vue, quasiment de mois en mois ». Et la production française reste bien trop faible pour remplacer les importations…
Deux fois plus cher
Rare, le soja non-OGM est, de plus, très cher. La prime non-OGM, qui s’ajoute au prix déjà élevé du soja pour assurer sa traçabilité et donc sa ségrégation du champ à la mangeoire, est ainsi passée de 80 à 300 €/t en dix-huit mois…
Du côté de la demande, les ruminants, un peu moins exigeants en protéines que les porcs et les volailles, valorisent les tourteaux de colza. Mais la vigilance reste de mise : des graines de colza OGM, importées par exemple du Canada, peuvent être mélangées aux graines européennes, non-OGM, chez les triturateurs…
Des filières comme le lait de Bel, le porc Opale ou le Roquefort ont inscrit l’exigence d’une alimentation des animaux exempte d’OGM dans leurs cahiers des charges. C’est aussi le cas d’environ 70 % des Label rouge…
L’Inao, chargé de la partie collective de ces derniers, voulait généraliser cette obligation. Le texte est passé, en fin d’année 2021, pour les productions d’œufs et sa version en volailles de chair était attendue fin mars 2022 : il n’est pas encore paru mais pourrait faire l’impasse…
Un moratoire demandé
Pour les pondeuses, les professionnels demandent un moratoire de douze mois, peut-être dix-huit, à l’administration. Voire plus…
Les marchés sont en effet à un point de bascule. « Le non-OGM était une demande des consommateurs, la non-déforestation est une demande des citoyens »…
Certains acteurs historiques envisagent désormais de basculer vers du soja non déforestant. « Nous avons un engagement Zero Déforestation 2025 qui monte en puissance. Il est atteint sur certaines filières avec ou sans OGM, parfois en 100 % France. Selon les filières (lait, œuf, poulet, porc, dinde, canard, lapin, saumon…) et selon la segmentation, il y aura beaucoup de combinaisons. Rie n n’est écrit »…