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Impression 3D : innovations alimentaires
L’impression 3D alimentaire (I3DA) comporte les mêmes phases que la fabrication additive d’objets (numérisation, préparation du matériau, impression, post-traitement), mais elle se limite aux procédés d’extrusion (le plus utilisé), de frittage sélectif, de jet de liant et de jet d’encre. Elle se distingue aussi par la phase de préparation des ingrédients en encre alimentaire imprimable, pouvant se présenter à l’état liquide, pâteux ou bien sous forme de poudres ou de cultures cellulaires…
Les propriétés physiques et biologiques de cette encre conditionnent le choix de la méthode d’impression et son paramétrage (hauteur des couches, vitesse d’impression, diamètre de la buse), pour obtenir la structure, le goût, la couleur et la texture attendus pour le produit final. L’I3DA nécessite donc d’associer plusieurs disciplines : l’ingénierie, la physique, la biologie, les arts culinaires…
Technologie apparue au début des années 2000, son procédé, ses applications et son acceptabilité font l’objet de plus en plus de recherches, en écho à un marché mondial en pleine croissance (évalué à 238 millions de dollars en 2022 et qui pourrait atteindre 1,6 milliard de dollars en 2030). Plusieurs sociétés (byFlow, Natural Machines, Choc Edge Ltd, etc.) commercialisent des imprimantes alimentaires à destination du grand public, à des prix allant de 1 000 à 4 000 euros. Quant aux modèles professionnels destinés aux restaurateurs, pâtissiers et industriels de l’agroalimentaire, ils peuvent dépasser les 10 000 euros…
L’impression 3D accompagne la tendance à l’individualisation de la cuisine, observée ces dernières décennies dans la plupart des pays. Elle apporte des réponses à deux aspects de cette démarche de personnalisation. Tout d’abord elle donne la possibilité au mangeur de choisir l’apparence de son plat, d’en moduler les caractéristiques organoleptiques (saveur, texture en bouche) selon ses préférences, tout en maîtrisant le choix des ingrédients. Par exemple, des imprimantes à usage domestique proposent de sélectionner une recette dans une banque de données (encore limitée aux purées, biscuits, pâtes, etc.), de la moduler selon ses préférences, de choisir l’aspect du plat à réaliser…
L’adoption de cette technologie modifierait notre rapport à l’alimentation. D’une part elle orienterait vers une cuisine simplifiée et pouvant paraître plus ludique et créative, pour les nouvelles générations de plus en plus connectées. D’autre part, légumes, fruits et viandes seraient de plus en plus dématérialisés. Contenus dans des cartouches alimentaires (sous forme de pâte, liquide, poudre), les caractéristiques physiques (goût, odeur, forme, texture, valeurs nutritionnelles) des ingrédients deviendraient des informations numérisées et leurs associations résulteraient de suggestions faites par des algorithmes…
Des conditions strictes d’entretien de ces machines domestiques seront à respecter, pour limiter les risques allergènes ou de contamination microbienne. En amont, des conséquences sur la production agricole sont aussi à envisager. Pourrait notamment se mettre en place une nouvelle filière de destinations des productions agricoles, approvisionnant les cartouches de ces imprimantes alimentaires, avec certains avantages : fin des critères esthétiques ou de calibrage des denrées agricoles, simplification de la chaîne logistique (emballage, stockage), etc. Celle filière spécifique pourrait aussi comporter des inconvénients : contractualisation et meilleure rémunération des producteurs et donc concurrence directe avec les produits frais, délaissement des productions françaises et accentuation du sourcing international du fait de la transportabilité des ingrédients pour imprimantes, etc…
La personnalisation alimentaire proposée par l’I3DA peut aussi être considérée sous l’angle des bénéfices pour la santé. Les caractéristiques nutritionnelles (protéines, fibres, vitamines, etc.) d’un plat peuvent être adaptées aux besoins de régimes spécifiques, à des catégories de personnes (athlètes, femmes enceintes, personnes âgées, etc.) ou en réponse à certaines pathologies (obésité, insuffisance rénale, etc.). Des sociétés l’utilisent d’ores et déjà pour préparer des plats dont la texture facilite la mastication et l’ingestion de personnes souffrant de dysphagie. Partant d’informations relatives à un individu donné (glycémie, état du microbiote, caractéristiques génétiques issues de tests ADN), l’I3DA permettrait de confectionner des repas prenant en compte les besoins personnels à court terme (état de forme, pathologies avérées), mais aussi à plus long terme (prédispositions à certaines maladies, espérance de vie)…
Les impacts de la consommation, et notamment des choix alimentaires, sont de plus en plus débattus. L’affirmation de nouveaux régimes, limitant ou supprimant la viande et les produits animaux (flexitarisme, végétarisme, végétalisme, véganisme, etc.), répond à des préoccupations environnementales, sanitaires, de bien-être animal, etc. Conciliant ces aspirations et l’attachement culturel à la viande, des sociétés de la Food-Tech (écosystème d’entrepreneurs et startups innovant dans le secteur de l’alimentation) concentrent leurs efforts sur de nouveaux aliments alternatifs aux protéines animales…
Ils sont composés de substituts végétaux ou obtenus à partir de cellules animales cultivées. Ces entreprises axent leurs stratégies (recherche, développement, marketing, communication) sur des alternatives alimentaires ressemblant le plus possible aux produits carnés, afin de faciliter leur adoption par le consommateur. Les principaux acteurs du domaine (Redefine Meat, Novameat, Aleph Farms, Revo Foods, etc.) s’appuient sur les techniques de bio-impression 3D, développées par le secteur biomédical pour la fabrication d’organes artificiels, afin de reconstituer la structure complexe des différents types de cellules (musculaires, adipeuses) de la viande. L’I3DA leur sert à reproduire au plus près la sensation fibreuse de la viande, lors de la mastication, mais aussi à obtenir cette ressemblance sur les plans visuel, gustatif et nutritionnel…
De premières entreprises parviennent à dépasser les contraintes de temps et de coût de l’impression alimentaire. Elles commercialisent d’ores et déjà, à grande échelle, des produits se situant dans la gamme de prix des produits conventionnels. Par exemple, est commercialisé, en Espagne depuis novembre 2023, dans 400 magasins du groupe Carrefour, un produit d’origine végétale imprimé en 3D visant à reproduire l’aspect et la texture du bacon…
Cedric's insight:
Sur https://agriculture.gouv.fr/telecharger/143043
Les possibilités offertes par l’I3DA permettront aussi d’augmenter, à l’avenir, l’adoption de nouveaux produits par les consommateurs, ouvrant ainsi la voie à une diversification des sources alimentaires (algues, insectes, etc.) et à de nouvelles réductions du gaspillage (utilisation des fruits ou légumes « moches », des déchets alimentaires), soit en les intégrant comme ingrédients de plats imprimés, soit en les présentant sous des aspects plus attrayants. Pour autant, demeurera la question de l’acceptabilité de la technologie elle-même et des produits ultra-transformés qui en seront issus, de la part de consommateurs de plus en plus nombreux à dire qu’ils recherchent une alimentation plus naturelle et plus saine. Si l’I3DA parvient à être acceptée en reproduisant, dans un premier temps, formes, textures, couleurs et goûts des produits alimentaires conventionnels, elle ouvrira alors un vaste nouveau marché aux acteurs de la FoodTech, pour imprimer des aliments proposant de nouvelles expériences culinaires et fonctions alimentaires…
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